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Vouloir trop performer nuirait à l’activité sexuelle

Les jambes de plusieurs athlètes qui courent sur une piste.

Une course d'athlétisme sur piste

Photo : Getty Images / Steph Chambers

Trop d’entraînement ou une trop grande volonté de performer auraient-ils une incidence négative sur la vie sexuelle des athlètes?

Radio-Canada Sports a essayé de trouver des éléments de réponse avec Joanie Heppell, sexologue et présidente de l’Ordre des sexologues du Québec, dont la réflexion se base sur des observations cliniques qu’elle a pu faire.

Les personnes qui sont venues en consultation provenaient du sport professionnel, ou alors il s'agissait de personnes qui se préparaient pour les Jeux olympiques. Chaque fois, le problème était relié à un surentraînement. Chez ces personnes, il peut y avoir une certaine déconnexion de toute la sphère affective et même relationnelle. On sait que pour avoir une vie sexuelle saine et sans embûche, cela demande une certaine connexion à soi, à son monde affectif et émotif.

Une citation de Joanie Heppell, sexologue et présidente de l’Ordre des sexologues du Québec

Lors de ses consultations, elle a remarqué que les personnes qui se poussent avec ténacité, persévérance et ce désir du dépassement se déconnectaient de leur douleur ou de leurs corps.

On ne peut pas déconnecter le corps de la douleur sans déconnecter des sensations de plaisir, explique-t-elle. Cela a l’air simple comme ça, mais les gens n’y pensent pas. On peut donc imaginer les sportifs comme ayant un rapport au corps très sain, très santé, mais il peut y avoir toutes sortes d’accrocs avec des entraînements très intensifs où les gens investissent ou surinvestissent seulement la sphère du sport, au détriment d’autres sphères plus relationnelles, plus axées sur le plaisir et moins la performance.

Même si la société évolue, l’égalité hommes-femmes est loin d’être acquise. Parfois, on va donc s’attendre à ce que l’homme soit plus performant que la femme dans la sexualité. La sexologue en explique les conséquences.

Ce que je remarque, c’est que les femmes, dans leur éducation sexuelle, se font encore apprendre aujourd’hui une certaine passivité. Là, les interactions entre performance et passivité sont moins grandes, mais la déconnexion au corps peut être d’autant plus grande, car on ne leur apprend pas à être très actives dans leur sexualité.

Illustration d'un homme devant une machine qui mesure la testostérone.

Le taux d'hormones comme la testostérone varie chez les hommes comme chez les femmes, selon différents cycles.

Photo : getty images/istockphoto / TarikVision

La solution réside dans l’équilibre, selon Joanie Heppell.

Une personne qui aurait beaucoup de testostérone couplée avec un développement sain aura une vie sexuelle beaucoup plus satisfaisante qu’une personne qui aurait peu de testostérone, avec un développement psychologique qui aurait été entaché par différents éléments.

Ce qui peut paraître paradoxal, c’est que l’on pense que tous ces athlètes au physique sculpté au couteau se trouvent beaux et entretiennent donc une relation saine avec leur corps. Ce n’est pas ce qu’a constaté la sexologue.

Les sportifs qui sont venus me consulter n’avaient pas nécessairement une bonne image corporelle [d'eux-mêmes] même s’ils étaient très en forme et esthétiquement beaux. Pour eux, ce n’est pas parce qu’ils étaient en forme et en santé qu’ils avaient une bonne image corporelle ou une belle perception d’eux-mêmes. Et cela a beaucoup plus d'impact sur la vie sexuelle.

Une citation de Joanie Heppell, sexologue et présidente de l’Ordre des sexologues du Québec

Ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier

C’est peut-être l’analogie qui résumerait ce profond malaise. Vouloir trop d’un côté vous enlève le reste. Le tout est une question d’équilibre qui n’est pas exclusif au monde du sport, comme l’explique la présidente de l’Ordre des sexologues du Québec.

Quand il y a un surinvestissement, quel que soit le domaine d’activité, que ce soit le sport ou le travail, les gens sont consumés par une seule chose. C’est ce que j’appelle mettre tous les œufs dans le même panier, et qu’on échappe le panier, comme un problème dans la performance sportive ou un échec. Tout cela peut teinter toutes les autres sphères de cette personne-là, incluant ses relations et sa sexualité.

La causalité paraît donc évidente.

Je vais perdre mon match ou mal performer, je vais également mal me sentir dans ma relation sexuelle. L'inverse est également vrai. La spécialiste est convaincue qu'il s'agit d'un principe qui peut être inculqué à certains athlètes par leur entraîneur.

Il ne faut pas oublier que certains sportifs sont superstitieux et vont parfois tomber dans l'effet placebo. J'ai réussi en faisant cela et je vais le répéter pour pouvoir gagner de nouveau. Mais ici, le lien de causalité peut être douteux.

Alors, où trouver le juste équilibre?

Vous connaissez peut-être la théorie qui dit qu’il vaut mieux donner son 80 %, et pas son 110 %. Quand on donne 80 %, on est plus libre, on est plus fluide. Il y a donc une notion de liberté ici. Si on s’en demande trop, souvent on performe moins, car cela ajoute de l’anxiété et un stress non productif. Certes, on peut être un sportif professionnel, mais ce n’est pas pour toute sa vie. Il faut donc trouver ce juste équilibre. Et avec 80 %, on est sans doute un peu moins considéré comme une machine et un peu plus comme un être humain.

Une citation de Joanie Heppell, sexologue et présidente de l’Ordre des sexologues du Québec

Retrouver le plaisir

L’avenir peut paraître sombre pour l’activité sexuelle, car notre société accélère de plus en plus, et avec elle, ce désir de performance. On perd donc petit à petit la notion de plaisir.

Joanie Heppell cite l’exemple d’une gymnaste qu’elle a rencontrée et qui avait perdu toute notion de plaisir, que ce soit pour son sport ou pour sa vie sexuelle.

C’est le bon mot en fait, le plaisir. Je pense à cette grande gymnaste qui me disait qu’elle n’avait plus de plaisir très tôt dans sa carrière. Elle n’avait non seulement plus de plaisir, mais elle ne s’amusait plus. Elle était donc très jeune, préadolescente, adolescente au moment où la sexualité commençait à fleurir, et bien elle s’interdisait elle-même de s’explorer. Les moments où elle pouvait se connecter avec son corps, elle voyait cela comme une erreur ou quelque chose qui allait la détourner d’un objectif. Donc, le plaisir est extrêmement loin, car quand on n’a plus de connexion avec soi-même, le plaisir ne peut plus être incarné.

La sexologue parle également de l’image corporelle des danseuses de ballet.

Elles sont tellement scrutées dans toutes les ramifications de leur corps qu’elles ne se perçoivent plus comme des femmes sexuées ou sensuelles, car elles sont sans cesse critiquées pour la moindre forme qui pourrait apparaître. Et les conséquences sur leur vie sexuelle vont être dramatiques, car on va tout s’interdire.

Une citation de Joanie Heppell, sexologue et présidente de l’Ordre des sexologues du Québec

Ce qu’il faut retenir de tout cela, c’est qu’avant de donner du plaisir, il faut avant tout en avoir.

Et comme le disait Albert Einstein, lorsque vous faites quelque chose avec un tel plaisir, vous ne remarquez pas que le temps passe.

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