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Ottawa prêt à mettre Phénix aux poubelles après y avoir englouti 4 G$

« Le gouvernement fait confiance à notre plan », dit un haut fonctionnaire.

Une pancarte de manifestants, où l'on peut lire "Brûlés par Phénix".

Ottawa se prépare à larguer Phénix, le système de paie lancé en 2016 qui a coûté quatre milliards de dollars aux contribuables. Le reportage de Daniel Leblanc.

Photo : Radio-Canada / Djavan Habel-Thurton

Le gouvernement fédéral se prépare à larguer Phénix, le système de paie lancé en 2016 qui a coûté 4 milliards de dollars (G$) aux contribuables sans jamais réussir à bien payer les fonctionnaires.

Salaires versés en retard, employés trop ou sous-payés, retraités en colère… encore aujourd’hui, plus de 300 000 mouvements de paie sont en attente au gouvernement fédéral, dont 213 000 ont plus d’un an de retard.

Le début de la fin pour Phénix est arrivé sans tambour ni trompette. À la page 409 du dernier budget fédéral, le gouvernement a annoncé 135 millions de dollars pour améliorer le système de paie et pour poursuivre les travaux sur une éventuelle solution de paie de nouvelle génération.

Alex Benay, le fonctionnaire fédéral responsable de ce dossier, explique que ce financement donnera un grand coup au développement du système nommé Dayforce, qui serait appelé à remplacer Phénix d’ici quelques années.

On a eu de vraiment bonnes nouvelles, dans le sens que le gouvernement fait confiance à notre plan, raconte-t-il en entrevue à Radio-Canada.

Alex Benay est dirigeant principal de l'information du gouvernement du Canada.

Alex Benay, sous-ministre délégué à Services publics et Approvisionnement Canada, se réjouit d’avoir obtenu le feu vert pour procéder à la transition au nouveau système de paie.

Photo : Radio-Canada / Simon Lasalle

Après une série de tests du système Dayforce conclus en février, le gouvernement misera dorénavant sur ce logiciel de paie et de gestion des ressources humaines utilisé par 6000 organisations, dont les gouvernements de l’Ontario et de la Californie.

La prudence continue à être de mise; personne à Ottawa ne veut que se reproduise le fiasco Phénix, lors duquel le système a été lancé avant d’être prêt. Alex Benay insiste à plusieurs reprises pour dire qu’il reste beaucoup de travail, de vérifications et de tests à faire avant de lancer le décompte final en vue du passage à Dayforce.

Malgré tout, le gouvernement appuie sur l’accélérateur avec son projet de nouveau système de paie, lancé en 2018 avec un financement annuel moyen de 25 millions de dollars.

La majorité du nouveau financement de 135 millions sur un an vise à mettre les touches finales à la mise au point de Dayforce, qui devra payer 420 000 personnes toutes les deux semaines, pour des déboursés annuels de 36 milliards de dollars.

Il n’est plus question à Ottawa de tenter de réparer Phénix mais bien de le remplacer.

Il faut changer cette situation-là, et je dirais qu’il commence à y avoir de plus en plus de raisons de pouvoir et de vouloir procéder à un changement.

Une citation de Alex Benay, sous-ministre délégué des Services publics et Approvisionnement Canada

Les ratés de Phénix

Ce haut fonctionnaire se fait impitoyable quand il décrit le système Phénix, qui a été la cible de critiques de fonctionnaires depuis ses débuts.

Des employés à temps partiel, de nouveaux parents, des fonctionnaires qui recevaient des promotions ou qui changeaient d’emploi : à peu près tout le monde y a goûté.

C’est certain que la situation actuelle, ce n’est pas viable à long terme. On a des employés qui se donnent à tous les jours pour calculer la paie : ils ont bâti des systèmes et des outils alentour de Phénix pour pouvoir payer les gens, pour que Phénix fonctionne, parce que l’outil qu’on leur a donné est déplorable, affirme Alex Benay.

Un des problèmes majeurs, c’est que Phénix doit fonctionner en parallèle avec les systèmes de gestion des ressources humaines distincts d’une trentaine de ministères et d’agences tout en tenant compte d’une centaine de conventions collectives.

Des manifestants brandissent des pancartes à l'extérieur d'un édifice pour dénoncer les conséquences des ratés du système de paie Phénix.

Des fonctionnaires manifestent à l'extérieur des bureaux du Conseil du Trésor du Canada, à Ottawa, le 28 février 2018.

Photo : La Presse canadienne / Justin Tang

Il faut donc un grand nombre d’agents de la paie pour effectuer des calculs différents pour chaque ministère. Et quand un fonctionnaire change de ministère s'ensuit une série de problèmes technologiques que Phénix peine à surmonter.

Avec le système Dayforce, le gouvernement veut miser sur un seul outil non seulement qui s’occuperait de la paie des employés mais qui gérerait aussi le dossier personnel de chaque fonctionnaire à partir de son embauche jusqu’à sa retraite.

On n’a pas l’intention de désintégrer [le système de paie et la gestion des ressources humaines] une deuxième fois et de faire la même erreur, affirme Alex Benay.

En plus des innombrables problèmes du système Phénix, Alex Benay ajoute que ce logiciel deviendra obsolète à moyen terme, le fournisseur ayant déjà prévu de cesser d’offrir des mises à jour d’ici une dizaine d’années.

Selon le ministère des Services publics et de l'Approvisionnement du Canada, Phénix a initialement coûté 300 millions de dollars, avec des dépenses supplémentaires de 3,5 milliards de dollars.

Alors que les problèmes de Phénix avaient semblé se résorber au début des années 2020, les retards dans le traitement des salaires ont rapidement recommencé de plus belle.

En attendant le passage à un nouveau système de paie, le gouvernement veut utiliser des outils d’intelligence artificielle pour poursuivre le nettoyage des données de Phénix et pour réduire le nombre de cas en retard.

Le but consiste aussi à s’assurer que lorsque Phénix sera mis au rancart, le nouveau système, qui aura été mis en œuvre progressivement dans différents ministères fédéraux, pourra prendre son envol sans heurts majeurs.

Au besoin, l’Alliance de la Fonction publique (AFPC) se dit prête à revoir certaines règles en matière de rémunération pour les uniformiser dans tout l’appareil fédéral. Toutefois, elle demande que les syndicats participent à l'élaboration du nouveau système et puissent le tester avant son déploiement.

Si les membres n’en souffrent pas, nous sommes prêts à coopérer à la mise en place d’un système de paie qui fonctionne, dit Yvon Barrière, vice-président régional de l'AFPC Québec. Encore là, il faut avoir la certitude que le système va fonctionner et que celui-ci ne va pas désavantager nos membres dans le cadre des conventions collectives.

Un autre syndicat d'employés fédéraux espère que le gouvernement aura bel et bien retenu les leçons du passé quand viendra le temps de remplacer Phénix.

Huit ans après l’implantation du système de paie Phénix au fédéral, environ le tiers des salariés rapportent toujours des erreurs dans leur paie. Tant que les employés continueront à subir des problèmes, le gouvernement doit continuer à leur offrir des compensations et des accommodements, affirme Sean O'Reilly, de l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada.

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